mardi 9 mai 2023



Pour mes 30 ans, je voulais réaliser plusieurs séries de photos qui représentent des fragments de mon identité. Une sorte de rétrospective de ce qui m'a façonnée et amenée jusqu'à aujourd'hui. Mon héritage culturel a toujours été présent, et pourtant, un peu en toile de fond, laissé de côté la majorité du temps - jusqu'à ce qu'il reprenne une place importante dans ma vie il y a quelques années. 

Mon père est français - normand pour être précis, ma mère est singapourienne, de la diaspora chinoise. Ils se sont rencontrés en voyage en Asie, ma mère a rejoint mon père à Paris, et quelques années plus tard, j'y suis née. 

J'ai vécu quelques années à Singapour, de mes trois à mes sept ans. J'y ai eu un premier aperçu de la culture asiatique, colorée, vibrante, très axée sur le partage, le respect de l'autre et particulièrement des ainés. J'y ai également vécu mes premières années d'école, et je crois que le souvenir que j'en garde, à travers mes yeux d'enfant, c'est une culture autour de l'éducation assez rigide. Je me souviens de l'uniforme, des enseignants très stricts, des règles omniprésentes et sacrées. Quand je suis revenue vivre en France, en Anjou, tout était à la cool en comparaison. 





Je ne suis pas retournée à Singapour entre 2000 et 2007. La seule part de ma culture asiatique en France, c'était ma mère. J'imagine que c'est difficile d'osciller entre vivre "à la française", pour s'adapter, s'assimiler, et garder sa culture présente dans le foyer, surtout avec des enfants qui vont à l'école et veulent ressembler en tout point à leurs camarades. Personnellement, j'étais une enfant très timide et je ne voulais surtout pas me faire remarquer, donc toute différence était un peu embarrassante pour moi, à l'époque. Même si aujourd'hui, je sais que c'est précieux, à l'époque, je préférais que ne pas le mettre en avant du tout et être comme tout le monde. 

La cuisine a toujours constitué un lien avec mes racines, presque inconscient tant c'était normal pour moi de manger des plats chinois un jour sur deux. Pour le reste, c'était beaucoup plus discret. On lisait des livres de contes chinois et japonais, on parlait anglais à la maison. Ce qui était vraiment omniprésent, et que je rattache à la culture chinoise, c'est l'importance de l'école, d'être première de la classe, et une enfant sage et cultivée. C'est certainement valable pour de nombreuses autres cultures, mais ça a toujours été une exigence que j'ai ressenti en particulier chez ma mère et rattaché à l'éducation dont j'avais fait l'expérience à Singapour. 

A part la cuisine et l'importance de l'éducation, je pense que le moment autour duquel se cristallisait réellement la culture de ma mère était le nouvel an lunaire. On faisait une visio-conférence avec la famille de Singapour, on s'habillait bien, comme à Noël, on mangeait des plats traditionnels toute la journée, et surtout, on manquait l'école ! Si le sujet vous intéresse, j'en parle davantage dans le podcast Asiattitudes. C'était à la fois génial car on restait à la maison, on recevait un angpao (des enveloppes rouges avec de l'argent dedans), on allait tous ensemble au supermarché s'acheter un jouet avec... Et à la fois, j'étais toujours gênée et un peu honteuse de manquer l'école pour faire tout ça, comme si c'était injuste que je profite d'une journée de vacances sans vraie raison. Comme si une fête célébrée par littéralement plus d'un milliard de personnes n'était pas une excuse suffisamment bonne car elle n'était répandue en France. 




Je pense que j'ai commencé à me sentir plus proche et surtout plus consciente de mes racines en grandissant. Un des tournants dans ma façon d'envisager mon identité et mes origines a été le mouvement anti-raciste global suivant le décès de George Floyd en 2020. A ce moment-là, j'ai beaucoup réfléchi à l'identité raciale, au white privilege, au fait que je sois white passing alors que je suis une personne racisée. Je ne vais pas rentrer énormément dans le détail dans cet article, mais je vais vous conseiller l'excellent podcast Kiffe ta race. Ce podcast, et d'autres, comme Asiattitudes, ont réellement changé ma vision de l'identité et mon rapport à mes origines. Comme si j'avais enfin le droit de m'approprier ce qui faisait partie de moi. Comme si je prenais conscience après presque 30 ans que je devais être fière de mon héritage culturel, que ce n'était pas "une petite partie de moi" ou "la moitié de moi", mais moi toute entière, une mixité indissociable et impossible à répartir en pourcentage. 

Pour être honnête, je regrette parfois de ne pas avoir ouvert les yeux plus tôt à ce sujet - même si je sais que certaines choses ne viennent qu'avec la maturité et les expériences. Je grimace en pensant à la Camille de 15 ans qui n'a pas fait l'effort de vraiment s'impliquer dans les cours de chinois qu'elle a fait pendant un an, avant d'abandonner parce que c'était trop dur (et qu'en réalité, elle n'avait juste pas envie). Je suis triste d'avoir parfois eu honte de qui j'étais parce que ça collait à l'image du cliché de la chinoise intello et timide. Je regrette de ne pas avoir été plus courageuse, de ne pas avoir dénoncé avec plus de véhémence les clichés contre les asiatiques, le racisme ordinaire. Heureusement, il n'est jamais trop tard, et aujourd'hui, je vois et je vis les choses différemment. Je me sens plus curieuse de découvrir cette culture, de ne pas juste avoir des connaissances de surface. J'aimerais retourner à Singapour, j'aimerais pouvoir parler à ma grand-mère -qui ne parle que cantonais, lui poser des questions sur sa vie, sur l'enfance de ma mère. 



J'ai vraiment ressenti ce changement en moi comme une façon d'affirmer mon identité, qui je suis, d'où je viens. Une façon aussi de mieux comprendre le monde qui m'entoure, d'ouvrir les yeux sur des questions essentielles. 

Connaître son histoire pour mieux se connaître et se comprendre. Aujourd'hui, je suis vraiment reconnaissante pour cet héritage culturel. J'essaie de le chérir, de me rapprocher de mes racines, d'explorer cette partie de moi que j'ai longtemps laissée de côté. 




Photos 35mm.insia


dimanche 30 avril 2023

 


Depuis que je suis petite, j'adore les paillettes et les robes de princesse. Comme beaucoup, je rêvais d'une vie glamour, où tout n'est que luxe et opulence. Je pense avoir eu plusieurs fois des pensées un peu ingrates envers ma famille parce que je me sentais très loin de la vie à laquelle j'aspirais, j'avais l'impression qu'il y avait un vrai fossé entre le milieu modeste de province dont je venais et la situation que je rêvais d'avoir. 

Depuis, je me rends bien compte à quel point c'est injuste, et combien ma famille m'a apporté des richesses autres que financières, des richesses inestimables car elles sont bien plus que des possessions matérielles. J'ai mis du temps à le réaliser, et j'ai grandi avec une forme d'insatisfaction, une envie de plus permanente.  




Grâce à YouTube et aux réseaux, j'ai vécu pendant quelques années des expériences dignes d'un univers parallèle. Des soirées open bar, cadeaux à gogo, des invitations, des voyages, des produits offerts, des lieux uniques privatisés pour un petit groupe... Les débuts de l'influence plus professionnelle, je dirais entre 2015 et 2018, ont vraiment été un âge d'or que j'ai eu la chance de vivre. On ne va pas se mentir, les créateurs de contenus étaient chouchoutés, on nous faisait nous sentir comme des stars alors qu'on était personne. C'était une sensation vraiment particulière, d'avoir sa petite vie normale, mais être traitée par des grandes marques comme des VIP. 

Ça peut faire tourner la tête. Faire perdre la notion de la normalité. Je ne crois pas que ça ait été mon cas (en tout cas je l'espère), mais ce qui est certain, c'est que pendant quelques années, j'ai eu un aperçu d'une vie privilégiée. C'est drôle, quand on ne fait pas partie de ce milieu, ce qu'on retient, ce sont les aspects positifs, le côté clinquant et éblouissant. On a l'impression qu'il n'existe plus de problèmes quand on a tout ce qu'on veut avoir. 

Et même si je me sens reconnaissante d'avoir profité de ces moments privilégiés, j'ai fini par me rendre compte que ce qu'on imagine souvent être une "vie de rêve" n'était en réalité ni ce que j'imaginais ni ce que je souhaitais. Je ne veux pas être hypocrite ou sonner moralisatrice, parce que malgré tout, les belles opportunités et le bling, ça me fait toujours un peu rêver, mais... 

Les milieux sous le feu des projecteurs, ça brille, c'est beau, mais ça brasse de la jalousie et des dramas dignes de l'école primaire ; on y croise des gens avec des egos pas possibles, autocentrés et totalement déconnectés de la réalité... Pas nécessairement du côté des créateurs de contenus d'ailleurs. Mais le nombrilisme de certains milieux parisiens/mondains donne envie de remettre les pieds sur terre et de revenir à ce qui compte vraiment. 



Bref, j'aime toujours les paillettes et les robes de princesses, mais je ne rêve plus d'une vie luxueuse et clinquante car je sais que ce n'est pas ça qui rend vraiment heureux. C'est niais, je vous l'accorde, mais j'ai des souvenirs bien meilleurs de petits moments simples, de vrais instants de bonheur sincère, plutôt que de moments dits exceptionnels et "waouh", dont je pensais qu'ils seraient des souvenirs marquants, mais qui, en réalité, ont été des expériences qui rendent bien sur mon compte Instagram, mais qui ne participent pas réellement à mon épanouissement personnel. 

Long story short, quand je réfléchis à la vie que j'ai connue jusqu'ici (comme une petite mamie de 30 ans qui va encore en voir des vertes et des pas mûres), et que je fais un petit bilan... La leçon de ma vingtaine serait certainement qu'on passe trop de temps à vouloir ce qu'on a pas et à s'imaginer comment serait la vie si on avait plus, et pas assez de temps à apprécier et prendre soin de ce qu'on a déjà. Cheesy ? Oui :) 







dimanche 16 avril 2023



Fragment de ma personnalité numéro 2 : on retourne quinze, vingt ans en arrière. Je suis au collège, j'ai 13 ans, je vis ma première peine de coeur, je commence à avoir des différents avec mes parents, je suis très timide et j'ai même peur de certaines de mes copines qui ne sont pas toujours tendres avec les gamins plus sages et "ennuyeux". Ce qui est totalement mon cas. 

Je découvre par hasard l'album "Fallen" d'Evanescence à la médiathèque, le rock, le métal, cet univers plus sombre et avec une identité forte. J'ai envie de l'adopter et de montrer au monde que je ne suis pas juste une petite fille sage qui aime lire et qui ne veut surtout pas faire de bêtises. Je veux sembler "dure à cuire" alors qu'en réalité, je suis honteuse d'être une première de classe, parce qu'être "une intello", c'est tout sauf cool à cet âge-là. 




Le style emo-gothic que j'adopte petit à petit, c'est la carapace que j'ai choisie pour traverser l'adolescence. C'était une armure autant qu'un reflet de toutes les émotions qui m'habitaient, clairement exacerbées par la puberté - je ressens tout tellement intensément, je me sens profondément incomprise, triste et seule. Je me sens en décalage, pas à ma place, parfois invisible et pas réellement aimée par mes proches. 

Sincèrement, je garde d'assez mauvais souvenirs de mon adolescence. Je ne suis certainement pas la seule. C'est une période où on se cherche, on a parfois du mal à se trouver, on a toujours l'impression d'être trop jeune pour faire ceci ou cela, et pourtant plus un.e enfant. 

Le jour de mon trentième anniversaire, je parlais avec des copines d'enfance qui ont le même âge que moi, et certaines me confiaient que le cap des trente ans avait été un peu difficile à accepter. Je crois que finalement, je suis réellement heureuse d'avoir grandi, muri, d'être très loin de la Camille de 15 ans qui était mal dans sa peau et dans sa tête. Ma vie n'est pas parfaite, mais je me connais mille fois mieux, je me suis trouvée, j'assume davantage qui je suis et ce que je veux dans la vie. Et je suis vraiment contente de ne plus être cette jeune fille paumée et triste. 

De ces années d'adolescence, j'ai tout de même gardé l'amour de la musique. Mes meilleurs souvenirs de lycée, c'est les moments avec mon groupe de rock avec des copains. On répétait toutes les semaines, on faisait tous les concerts qu'on pouvait (notre plus cocasse étant l'équivalent de la fête de la châtaigne dans un village du 49). On a fait des tremplins musicaux, on a enregistré un album live en studio, on se sentait comme des artistes, on était passionnés. J'espérais vivre de ma musique, j'ai fini par comprendre que ça ne serait pas le cas, mais c'est toujours resté ma plus grande passion. 



Ce côté un peu rock, un peu dark, ce n'est pas juste moi ado, c'est aussi une partie de moi qui n'est jamais vraiment partie. Ce qui est assez drôle, c'est qu'aujourd'hui, en terme de style, ça ne se voit plus trop. C'est toujours amusant de dire aux gens, habillée en sézanette parisienne, que j'adore le métal, ou que j'étais au concert de Rammstein. C'est un peu ma face cachée, celle qu'on ne découvre que quand on creuse un peu pour me connaître. 




L'inspiration derrière ces photos, c'est l'idée du métro souterrain, nuit perpétuelle, en opposition avec le métro aérien avec la vue sur Paris de la série précédente. Dark VS light :)



Photos @35mm.insia

Trench en cuir vintage
Tee-shirt Anine Bing
Legging en cuir vegan Jean-Louis Mahé
Bottines "Clover" Bobbies


lundi 10 avril 2023

 


Je suis née à Paris et j'y ai grandi jusqu'à mes 3 ans, quand ma famille a déménagé à Singapour pour quelques années avant de revenir en France, cette fois-ci en Anjou. Ado, je ne rêvais que d'une chose : échapper à "l'ennui de ma petite ville de campagne". Je rêvais de découverte, de rencontres, de capitales, de voyages, de villes qui ne dorment jamais. Bizarrement, je rêvais davantage de New York, Londres ou Berlin que de Paris.

C'est pourtant à Paris que j'ai décidé de poursuivre mes études en master, à la Sorbonne, comme ma mère qui y avait pris des cours de français en arrivant en France il y a plus de 30 ans. Bon, moi, je suis allée à la Sorbonne Nouvelle, c'est légèrement moins chic mais j'avais l'impression de marcher dans ses pas quand même. Arriver dans une immense ville où on ne connait presque personne, ça fait peur, mais c'est très excitant. 

J'ai tout de suite adoré Paris, cette ville magnifique et vibrante avec des possibilités infinies. C'était aussi la période où j'étais au top sur YouTube, j'avais des événements presse et influence toutes les semaines. J'ai eu accès à un univers parallèle de strass et de paillettes pendant mes premières années à Paris, forcément, ça participe à rendre l'expérience plus sympa. 

Je suis (re)venue vivre à Paris en 2015, ça va donc bientôt faire 8 ans. Est-ce qu'après 8 ans, je me sens parisienne ?

Cette série de photos est la première sur quatre, mettant en image quatre fragments de mon identité, de ma personnalité.  



La parisienne, c'est le mélange entre un mythe - d'élégance, de féminité, de chic mais désinvolte ; et la caricature d'une connasse inblairable qui n'aime personne et passe son temps à râler. 

Cette image, c'est avant tout un cliché, car évidemment, il n'y a pas qu'un type de femme vivant à Paris. Il y a une multitude de parisiennes, bien au-delà de la jeune femme en robe à fleurs, un panier à la main,  qui flâne au marché ou dans les librairies anciennes. 

Mais est-ce que - depuis que je vis à Paris - je suis un peu impatiente et pressée au quotidien (le métro qui met du temps à arriver, les gens qui marchent lentement au milieu du trottoir...) ? Oui. Est-ce que je peste contre le prix de l'immobilier, des restaurants chers pour pas grand chose, du café à 5€ ? Oui. Est-ce que je fuis généralement la foule, les expos populaires, les endroits prisés, parce qu'ils sont bondés et que je n'aime pas piétiner sur place et être collée à mon voisin ? Oui.

Paris est une ville intense, avec plein de défauts, plein de raisons d'être à cran de temps en temps (ok, souvent). Paris me rend parfois dingue. Et pourtant, j'adore ma vie ici, et j'ai beaucoup de mal à me voir ailleurs pour l'instant. 





Paris, c'est une architecture sublime, des petites rues au charme fou, des musées qui regorgent de merveilles culturelles (on pourra reparler de comment elles sont arrivées ici une autre fois). Des monuments illustres et des bâtiments imprégnés d'histoire un peu partout. Des endroits iconiques aux yeux de beaucoup, que l'on croise tous les jours sans plus les voir. Paris, c'est une scène artistique et musicale, c'est un arrêt incontournable pour la plupart des tournées mondiales des groupes et artistes que j'aime. Paris, c'est la capitale de la mode, berceau de l'élégance à la française qui se mêle aujourd'hui aux styles plus modernes et ouverts sur le monde. 

C'est aussi les pique-niques sur les quais de Seine au coucher de soleil au printemps. Les cafés en terrasse. Des restaurants de toutes les origines, une culture food riche. Paris, c'est Belleville et le 13ème, les Chinatown de la capitale qui me permettent de renouer avec mes origines, notamment à travers les grands supermarchés asiatiques où j'adore aller faire mes courses pour cuisiner pour mes proches. 

Paris, c'est mes amis, une partie de ma famille, des années de souvenirs qui mènent à la vie que j'ai construit jusqu'à aujourd'hui. 

Paris, c'est tout ça, et encore plus. 





Pour cette série de photos, j'ai eu envie de mettre en avant deux univers parisiens : la terrasse de café, lieu aussi cliché qu'authentique puisque pour les touristes, c'est la quintessence du moment parisien, et... c'est totalement réaliste. Aussi réaliste qu'acheter sa baguette de pain tous les jours. 

Et le métro, sûrement un des aspects les moins glamour de Paris - bondé à presque toute heure, souvent sale, bruyant et vieillot. Et pourtant, il nous emmène partout, le réseau couvre toute la ville, et il nous est bien utile. C'est potentiellement le troisième endroit où on passe le plus de temps après chez soi et le bureau. Alors j'ai eu envie de le mettre en lumière. De le romanticize, comme on dit. 

Aujourd'hui, vous avez découvert l'épisode Camille in Paris, mon amour pour cette ville paradoxale, aussi belle qu'insupportable, ville dans laquelle je suis née, et à laquelle je suis revenue. 

Il me tarde de vous partager la suite !






Trench Sussan Shokranian
Jean Vero Moda
Bottines Rivecour
Casquette vintage




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